Une rue sans signalisation

Comme nous l’avons récemment fait remarquer sur twitter et sur facebook, les feux de signalisation de la place Saint Bonnet à Bourges sont hors service depuis quelques jours. Les travaux en cours boulevard de la république pour aménager l’esplanade du centre Avaricum n’y sont sans doute pas étrangers…

Peu importe la raison de la situation, ce qu’il est intéressant d’observer c’est le résultat.

Et il est plutôt surprenant. On aurait pu penser que supprimer la signalisation allait conduire à froisser de la tôle et à rendre légion les noms d’oiseaux accompagnés de coups de klaxons… mais il n’en est rien !

Les choses se déroulent en effet plutôt bien : la circulation s’organise naturellement par le biais des règles basiques de priorité à droite et grâce à la courtoisie des automobilistes, les passages piétons sont plus sûrs qu’a l’accoutumée et la place retrouve un semblant de calme en s’acquittant des accélérations et klaxons qui sont d’ordinaire le signal qui précèdent / suivent chaque passage au feu vert.

Vous pouvez faire le constat vous même : les routes sont moins congestionnées  - et notamment la rue Jean Girard et ses terrasses de cafés… dommage qu’elles soient vides à cette époque ! – pas ou peu de klaxons… et seul un accrochage (impliquant deux voitures) a eu lieu à notre connaissance.

Tout n’est pas parfait bien entendu mais la situation a le mérite de mettre un bon coup de pied aux idées reçues et nous, ça nous questionne…

Comment cela est il possible ? Dans une civilisation où l’on a de cesse de nous répéter que chaque chose doit être réglée, normée, cadrée… comment se fait-il que les choses se passent si bien ? Pourquoi la quiétude et la sécurité s’installent là où l’on serait en droit d’attendre le chaos et le désordre ?

Le principe de « route nue » ou « shared space »
Ce qui se passe à Saint Bonnet à cause (ou « grâce » du coup) des travaux en cours, d’autres villes l’on conceptualisé et en ont fait un principe dite de la « route nue ». Une route qui tend à se séparer de la signalisation routière qui explique à l’automobiliste comment il doit se comporter pour faire appel à son bon sens et à son civisme.

Une route loin d’être nue à Londres : trop de signalisation tue la signalisation.

Une route nue dans la ville de Drachten aux Pays Bas

Le principe de la « route nue » s’approche de ce que l’on connait en France sous le nom de « zone de rencontre » dont nous avons déjà parlé sur ce site. Mais ce concept va plus loin car, en plus de supprimer les séparations physiques qui existent d’ordinaire entre voirie et trottoirs et de diminuer la vitesse maximale autorisée, la « route nue » se sépare de toute signalisation : panneaux, feux, potelets, marquages au sol… seuls restent les couleurs des différents revêtements pour guider les usagers.

Voir ci dessous un reportage (en VO) sur l’aménagement d’un espace partagé « shared space » commune de Bohmte

Image de prévisualisation YouTube

Ainsi, l’automobiliste devient acteur de la sécurité de la rue plutôt qu’en être un pion.

Parce que rien ne lui donne la priorité, l’automobiliste se sait en danger et aura donc tendance à ralentir. Il sera par conséquent plus attentif à l’environnement qui l’entoure et potentiellement plus à même de s’arrêter rapidement en cas de danger ou pour laisser passer un piéton.

Pourquoi pas à Bourges ?
A Bourges, on en est pas encore là… mais l’expérience (involontaire) en cours place Saint Bonnet prouve qu’ici comme ailleurs, de tels aménagements pourraient voir le jour et que les différents usagers de la rue sont capables de se partager l’espace de façon pacifique et conviviale.

Ce qui se passe place Saint Bonnet soulève plusieurs questions / remarques :

  • urbanisme : peut on imaginer la rue sans signalisation ?
  • sécurité : les usagers ont il besoin de systèmes pour réguler leurs comportements ?
  • social : et si l’absence de régulation déclenchait du lien social entre usagers ?
  • finances : que d’économies de panneaux et de signalisation.
  • énergie : moins de feux = moins de consommation !

Ça donne à réfléchir… non ?

A l’extrême, voyez cet exemple de cet énorme intersection tourné dans la capitale de Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie. Elle ne possède aucun feu de signalisation. Et le chaos qu’on imagine à première vue n’a pas lieu. Les choses s’organisent plutôt bien et même les piétons s’en sortent bien (prêtez y attention, c’est impressionnant).

Image de prévisualisation YouTube

______________________________________________________________________

Liens :
En lire plus sur le principe de « route nue » et voir des exemples concrets ici et .
Voir cette chaine YouTube qui compile plusieurs vidéos sur ce thème.
Un diaporama intéressant expliquant, en photos, l’intérêt des « shared space »

MISE A JOUR DU 01/12/16

La ville de Rouen teste depuis maintenant 2 ans l’interruption volontaire des feux sur une dizaine de carrefours. Moins de stress, plus de vigilance de la part de tout le monde, meilleure cohabitation des différents usagers… l’opération est un succès à bien des niveaux.

Reportage de France 3 Normandie > http://france3-regions.francetvinfo.fr/haute-normandie/seine-maritime/metropole-rouen-normandie/rouen/rouen-point-experimentation-carrefours-feux-tricolores-1144979.html

C’est pas pour dire mais on a le nez fin…

2 réflexions au sujet de « Une rue sans signalisation »

  1. « ce qu’il est intéressant d’observer c’est le résultat.

    Et il est plutôt surprenant. On aurait pu penser que supprimer la signalisation allait conduire à froisser de la tôle et à rendre légion les noms d’oiseaux accompagnés de coups de klaxons… mais il n’en est rien ! »

    ce n est pas surprenant, c est juste normal :

    Les feux n ont jamais servis à améliorer la sécurité :
    ils sont là pour améliorer la fluidité du traffic, pour permettre à PLUS de voitures de traverser un carrefour pendant un temps donné :

    au lieu d avoir une voiture passant toutes les +/- 5 secondes
    on a 5 voitures qui vont passer à la suite, dès que le feu passe au vert, séparés de 2 secondes (distance légale) ou plutôt, 1 seconde ou moins (distance dans la réalité…).

    Ceci explique l amélioration de fluidité
    (en fait, l appel à avoir toujours plus de voitures, car elles peuvent passer dans un temps donné)

    Mais en quoi celà diminue la sécurité ???

    Pour y répondre, une question :

    Que DOIT LÉGALEMENT faire tout conducteur, à l approche de TOUTES les intersections
    (qu’elles aient un cédez le passage, un stop, qu’elles soit prio, qu’il y ait une priorité à droite ou un feu).

    Réponse : ils DOIVENT rallentir,
    afin de pouvoir appréhender l intersection, et, si besoin, s arrêter.

    que FONT 99% des automobilistes, à l approche d’une intersection, quand il y a le vert depuis plusieurs secondes ?

    Au lieu de ralentir, pour s arrêter si besoin,
    ils ACCÉLÈRENT ! ! !

    au risque de piler si besoin, et que leur suiveur, ayant accéléré lui aussi, leur fasse le coup du lapin…
    (s’ils avaient ralenti, au lieu d accélérer-piler, leur suiveur aurait ralentit, et ne les aurait pas tué/accidenté).

    C est comme pour la vitesse maxi légale autorisée (considérée, par bcp, comme une vitesse obligatoire à atteindre.. quelque soit la présence de piétons et d autres personnes),
    une large majorité des automobilistes croient qu’un vert est un DROIT voire une OBLIGATION d avancer.
    Alors que c est l inverse d’un rouge :
    le rouge est l INTERDICTION d avancer,
    le vert, est une simple AUTORISATION, s’il n y a pas « d obstacle », comme un piéton, ou autre, devant soi
    (cas ultra classique des voitures tournant en droite ou gauche, avec les piétons ayant le vert en même temps, qui traversent, et la voiture qui grille la priorité aux piétons, forçant le passage, et les mettant en danger)

    En dehors de l incitation à l accélération, à l approche des carrefours,
    les feux ont un autre pb dû à leur conception :
    le « petit train » :

    alors qu’il est légalement INTERDIT de s engager dans une intersection qu’on ne peut pas quitter
    (il ne faut pas bloquer l intersection : des pompiers doivent pouvoir traverser, toutes sirènes hurlantes, de la voie perpendiculaire, malgré le rouge)

    quand le vert est vert depuis longtemps, voire quand il est orange, voire rouge depuis peu,
    l automobiliste colle la voiture de devant, afin de passer coûte que coûte, pour ne pas attendre au rouge.

    Si bien qu’enlever la MAJORITÉ des feux, serait une bonne façon d améliorer le bien-être en ville

    (laisser les feux aux carrefours avec les TEC en voie propre)

    Sur chaque feux, existe deja le panneau donnant le comportement à avoir à cette intersection, en cas de feux H.S. (prioritaire, cédez le passage).

    Celà améliorerait le report vers les TEC en site propre et vers le vélo,
    car celà pénaliserait les trajets en voiture, devenant un peu plus longs.

    autre avantage :
    En plus d avoir moins de morts et moins de blessés,
    il y aurait aussi un peu de moins de SUR-pollution sonore et de l air dues aux démarrages à fond-à fond-à fond, dès que le feu passe au vert.

    • Commentaire très pertinent et laisse a réfléchir quant à l’urbanisation et comportement à adopter.
      Pour avoir voyagé en Colombie, où la signalisation est parfois anecdotiques dans certains lieux et où le trafic est dense, je fus stupéfait de la si bonne entente entre usagers de la route. Plutôt qu’une mobilité dictée, (sur-) encadré, on laisse place a l’analyse de nos mouvement et chacun devient responsable de sa mobilité.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>