Le samedi 4 Avril 2015 est une date qui aurait pu marquer un tournant pour la ville de Bourges. Ce jour là en effet, un important incendie se déclarait dans les cuisines du restaurant Le Cujas qui s’est rapidement propagé à l’immeuble des forestines attenant.
En quelques heures, le bâtiment était ravagé par les flammes. Au delà du sinistre qu’ont subit les employés de ces deux enseignes en perdant tout ou partie de leur outil de travail, se pose désormais la question de la sécurisation des abords des bâtiments.
En effet, l’incendie a fortement endommagé la structure de l’édifice et certains éléments menacent de tomber : des barrières sont alors installées et bloquent le passage rue des beaux arts et rue moyenne.
C’est donc fait : la rue moyenne est bloquée à la circulation.
La rue moyenne piétonne ?
Que les choses soient bien claires au sujet de la rue moyenne et des positions que certains reverraient de nous attribuer : notre collectif estime que la rue moyenne devra être rendue piétonne un jour ou l’autre. Mais pour commencer, et à défaut de la rendre piétonne de but en blanc, il serait d’abord nécessaire d’y réduire le trafic de transit. En effet, le PDU (Plan de Déplacement Urbain) nous a appris que 5000 véhicules/jour passaient sur cet axe. 5000 !!! Sur un axe qui ne dispose que de 3 places de stationnement… mais quel intérêt ???
Si on schématise (sans pour autant être loin des réalités) c’est très simple :
- la moitié des véhicules emprunte la rue moyenne comme un axe de transit permettant de joindre le nord de la ville (gare SNCF) au sud (parking Séraucourt) alors qu’il existe des boulevards pour cela
- un petit quart des véhicules y viennent pour se montrer. Frimer ou faire coucou aux copains assis en terrasse est un sport dont les berruyers sont particulièrement friands, spécialement le samedi après midi quand il fait beau et qu’on peut laisser les fenêtres de la « bagnole » ouverte pour que tout le monde profite du dernier Booba
- enfin, un autre petit quart s’y rend par nécessité et dans un réel but : parce qu’on habite dans le centre ville ou qu’on doit y faire des livraisons, pour aller chez le médecin (qui ne sont pas encore tous à Port Sec…) ou déposer grand mère chez l’opticien ou à la poste…
On peut donc, toujours en grossissant le trait, considérer que 3/4 des véhicules qui passent chaque jour rue Moyenne n’ont rien à y faire. La mairie a conscience de ce problème depuis belle lurette (au moins depuis 2013 et le vote du PDU) mais laisse la situation perdurer. Entre « nécessité de concertation », « observation préalable » et envie de se faire ré-élire en évitant de brusquer une population trop peu habituée au changement, Bourges confirme sa position de capitale de l’inaction.
L’espoir naît d’une tragédie
Une lueur d’espoir est venue de ce tragique incendie « On va éviter que la rue Moyenne s’engorge et informer bien en amont sur les boulevards périphériques » déclarait le 8 avril M. Rebeyrole, maire adjoint en charge de l’urbanisme.
M. Rebeyrole ne fait par ses dires que confirmer ce que Pascal Blanc, Maire de Bourges, avait annoncé dans son programme de campagne. Vouloir « apaiser la circulation automobile dans l’hyper centre » notamment en « signalant mieux les parkings de proche périphérie ». Une idée brillante, issue du PDU et d’une étude réalisée sur le centre ville de Bourges, et qui aurait du être envisagée il y a déjà plusieurs années (lorsque notre maire était alors adjoint aux travaux).
Or la mairie tenait là une occasion formidable de faire un test grandeur nature de cette mesure sans qu’elle ne puisse lui être reprochée. Ce malheureux incendie aurait au moins permis cela : faire bouger les lignes.
Et qu’on ne nous dise pas qu’il était impossible de faire autrement : l’énergie, l’argent et le temps qui a été déployé par les services de la ville ou de la préfecture pour sécuriser le périmètre de l’immeuble des Forestines et rouvrir à la hâte la rue moyenne à la circulation aurait tout aussi bien pu être mis à profit de l’installation d’une signalétique indiquant les parkings attenants au centre ville.
C’est une question de choix. Rien de plus.
Choix dans lequel l’imminence du printemps de Bourges a peut être joué un rôle certes…
La pression d’une minorité face aux intérêts d’une majorité
Ainsi donc, nous apprenons ce matin par un tweet de Virgin Radio (puis par le berry républicain) que la rue moyenne sera rouverte comme l’avaient très certainement demandé quelques commerçants bien placés auprès des équipes municipales.
A Mon Cher Vélo, nous trouvons cela dommage. Nous étions ravis des témoignages que nous recevions : « quel plaisir de pédaler rue moyenne sans sentir la pression d’un moteur vrombissant dans son dos » nous disaient certains. D’autres redécouvraient le plaisir de flâner en observant les façades des immeubles au lieu de garder un œil sur leur enfant de peur qu’il ne traverse la rue moyenne et son flot de véhicules.
Ces dernières semaines, le calme était de retour rue Moyenne. « Trop » nous diront certains. Mais n’empêche qu’on vivait là une autre expérience de la ville et, qu’on ait apprécié ou non (voir ces échanges sur facebook qui prouvent bien l’importance de cette question), nous pensons que cela aurait valu la peine de la poursuivre encore quelques temps pour voir ce qu’on pouvait en tirer.
Bourges – Rouen : même combat (ou presque)
Lors de sa venue à Bourges à l’occasion du débat que nous organisions le 10 avril 2015, Isabelle Lesens trouvait des similarités flagrantes entre l’incendie des Forestines et celui du pont Mathilde à Rouen et de l’impact que pouvaient avoir ces incidents sur la mobilité et nos manières de vivre la ville.
Fin Octobre 2012 en effet, ce pont qui enjambe la Seine était victime d’un incendie qui allait mener à sa fermeture. Ce pont voyait passer chaque jour plus de 90 000 véhicules. Dans cette ville déjà bien embouteillée où les pics de pollution sont monnaie courante, le report de ce trafic a, dans un premier temps, eu des conséquences désastreuses sur la congestion de la ville.
Puis, petit à petit, les Rouennais se sont résignés à ce que les travaux soient longs et ont commencé à envisager les choses autrement. Les comportements et habitudes de transport ont évolué et Rouen a redécouvert le vélo et les transports en commun. Les automobilistes se sont organisés en covoiturage ou en utilisant des parkings relais. Le hashtag #solupont faisait fureur sur les réseaux sociaux pour trouver les meilleures façons d’arriver à l’heure au travail…
Plusieurs enquêtes ont eu lieu pour comprendre ce phénomène. Il en ressortait plusieurs chiffres édifiants, notamment de cette étude menée par le CEREMA :
- le nombre de cyclistes traversant la seine avait augmenté d’environ 30% et même doublé en certains secteurs
- 93% d’entre eux avaient quitté la voiture individuelle pour le vélo
- même si la fermeture du pont n’était pas la seule motivation des nouveaux cyclistes, une grande partie d’entre eux exprimaient le souhait de conserver ce mode de transports une fois le pont rouvert
- les transports en commun ont connu une augmentation de fréquentation de 7% (bus) à 14% liée en partie à une augmentation de l’offre (en plus de l’effet « pont Mathilde »)
Au niveau économique aussi, l’effet « pont Mathilde » s’est fait ressentir : plusieurs professionnels du cycle témoignaient d’une augmentation de leur activité.
L’incendie du pont à réussi à faire tout ce que les campagnes de communication, les événements de sensibilisation et toute la bonne volonté du monde combinés n’ont jamais réussir à faire : changer les comportements rapidement et durablement* ! Hourra !!!
Et patatra…
Malgré le changement qui est en train de s’opérer, le Conseil Général de Seine Maritime dépensera 7.5 millions d’euros pour réhabiliter le pont**. Cela peut s’entendre : livreurs et chauffeurs poids lourds, personnes contraintes à la voiture par l’éloignement géographique, touristes de passage… ce pont servait à bien des usagers et beaucoup se retrouvaient extrêmement contraints par sa fermeture.
Mais là où l’affaire est scandaleuse, c’est que le Président du CG76 a tout simplement refusé d’intégrer un aménagement cyclable a la réfection du pont (prétexte bidon et argumentation détaillée à lire sur le blog d’Isabelle Lesens). Malgré l’effet évident qu’avait eu l’incident sur la mobilité du territoire et les demandes pressantes de nos copains de l’association SABINE, le Président est resté muet et rien n’existe actuellement sur, sous ou à côté du pont pour permettre aux cyclistes de traverser la seine.
Cerise sur le gâteau, à la ré-ouverture du pont, le Président de la Métropole de Rouen a précisé que la réouverture du pont va s’accompagner d’un recul du « tout voiture » et d’un renforcement de l’importance des transports en commun. Promettre la diminution de la voiture et promouvoir ses alternatives quand on inaugure un aménagement routier, c’est soit être un provocateur qui y croit dur comme fer, soit être un élu un brin schyzophrène…
Une occasion manquée
Avec la réouverture de la rue Moyenne, Bourges singe le mauvais exemple et reproduit le message rétrograde envoyé alors par Rouen : une ville bâtie pour la voiture, des élus qui ne se remettent pas en question et ne portent aucune vision d’avenir pour leur territoire, un schéma immuable pour notre société et notre façon de voir les choses qui nous mènera, le plus vite possible, dans le mur qui nous attend au bout de la route.
La mairie tenait pourtant là une occasion unique de modifier profondément les choses et de marquer l’histoire de notre ville.
Certains commerçants nous diront que la diminution de la place de la voiture voire la piétonnisation de la rue moyenne va tuer le centre ville. A ceux là nous répondons que non : ce n’est pas cela qui va tuer le centre ville. Ce qui étouffe notre centre ville, c’est la quantité pharaonique de surfaces commerciales bâtie en périphérie de Bourges, sur les zones de Saint Doulchard et de la route de la charité, avec la bénédiction de nos/vos élus, tous bords confondus (on en a parlé plusieurs fois)… vous les connaissez bien : ce sont celles et ceux que vous avez pressé pour obtenir la réouverture de la rue Moyenne…
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* on a ici un parfait exemple de la théorie de la grenouille présentée par Al Gore dans la conférence « une vérité qui dérange ».
** notons que nos collectivités n’ont jamais d’argent pour faire des aménagements (cyclables notamment) mais qu’elles s’arrangent toujours pour trouver de l’argent afin de bâtir à grand frais des rocades et des ponts routiers…
A lire aussi sur notre site :
> Comment supprimer la signalisation dans une rue permet de la sécuriser
Si mon Cher Vélo ne se fourvoyait pas dans des combats qui ne le concerne en rien, quelle opportunité de rassemblement il pourrait avoir… Quel dommage de gâcher cette occasion….
Et pourquoi ce combat ne nous concernerait en rien ? Nous vous rappelons que nous défendons également la place du piéton dans la ville, que nous abordons toujours la question de la mobilité par le prisme de l’urbanisme et avons en de nombreuses occasions tendu la main aux commerçants (qui l’ont trop rarement saisie)… nous sommes donc en plein dans le sujet.
La question de la piétonnisation de la rue moyenne est une question politique au sens « vie de la cité » et concerne par conséquent tous ses usagers. Cette question dépasse donc les clivages et va au delà des divers intérêts que chacun pourrait y trouver.
Quant au rassemblement, c’est gentil de vous inquiéter pour nous mais ça va bien de ce côté là : nous comptons 300 adhérents et rassemblons sans mal plus de 500 personnes à chacune de nos vélorutions
Habitant rue de la grosse armée , très égoïstement je suis heureux que la rue moyenne soit rouverte , effectivement , les véhicules passants habituellement rue moyenne sont déviés rue edouard branly pour passer aux pied de chez moi , ça change l’environnement sonore!!!
De plus mon départ ainsi que mon arrivée devant mon domicile en vélo ou a pied n’ont plus la même odeur ni le même goût .
Donc d’accord pour mettre la rue moyenne pitonne , mais veiller a bien réduire le flux avant .
C’est exactement ce que nous disons dans l’article Eric.
5000 véhicules / jour rue moyenne c’est une aberration et s’il y a un problème à régler, c’est avant tout celui là.