On a testé la piste cyclable de la Rue de la sente aux loups / Rue Félix Chédin

A Bourges comme ailleurs, lorsqu’une voirie est réhabilitée, l’aménageur en charge des travaux est tenu d’intégrer un aménagement prenant en compte la présence de cyclistes. Ce n’est pas Mon Cher Vélo qui le dit mais la Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie autrement connue sous le nom de «  LAURE  ». Une loi qui date de 1995 mais qui n’est pas toujours appliquée.

Contrairement à beaucoup d’autres associations FUB, en ce qui concerne la ville de Bourges, Mon Cher Vélo n’a pas à batailler pour faire respecter une loi vieille de presque 20 ans. Car oui, ailleurs en France, des associations se battent pour que des institutions respectent la loi. C’est dingue mais c’est comme ça.

Si les institutions locales sont plutôt disposées à respecter la loi* en proposant des aménagements cyclables lorsque les voiries sont rénovées, force est de constater que ceux-ci sont la plupart du temps réalisés sans réelle connaissance des choses et parfois en dépit du bon sens… on a donc souvent l’impression qu’ils sont réalisés « parce qu’il fallait le faire » et/ou « parce que ça fera bien dans le rapport d’activité ».

Pour illustrer ces problèmes, nous dresserons de temps à autres le bilan de quelques itinéraires afin de relever les erreurs qui y ont été faites. L’idée n’est pas tant de critiquer gratuitement ce qui est fait mais plutôt :

  • de réaliser une analyse critique de l’aménagement
  • de faire connaître le point de vue de l’association sur les aménagements présentés
  • d’éviter, en les mettant en évidence, que de mêmes erreurs soient faites à l’avenir

Aujourd’hui, nous nous intéresserons au cas de la piste cyclable qui mène de la gare SNCF au centre commercial de la Chancellerie en empruntant la rue Félix Chédin et la rue de la sente aux loups.

Une piste bidirectionnelle unilatérale
Ce qu’on remarque d’entrée de jeu, c’est que cette piste accueille les vélos qui roulent dans les deux sens de circulation et qu’elle est situé d’un seul côté de la route. En terme technique, on dit qu’elle est « bidirectionnelle » et « unilatérale ».

Contrairement aux idées reçues, une piste cyclable ne présente pas que des avantages (lire à ce sujet cet article) et peut, si elle est mal conçue, souffrir de défauts tels que les cyclistes chevronnés ne l’utiliseront pas.
Nous parlons ici de « cyclistes chevronnés » allant travailler régulièrement à vélo et souhaitant se déplacer vite par opposition aux cyclistes dit « fragiles » : personnes âgées, enfants, familles pour lesquels il est évident qu’une piste cyclable présente une sécurité nécessaire et parfois suffisante.

La piste bidirectionnelle présente l’inconvénient de n’être située que d’un côté de la rue. Pour se rendre du côté opposé (pour rentrer chez lui, changer de direction, s’arrêter à la boulangerie…) le cycliste doit donc traverser 2 flux motorisés avant d’arriver à bon port, soit tout autant de risques d’accidents. Même chose pour le cycliste ne prenant pas la rue à son début et qui doit donc traverser les deux voies motorisées pour se rendre sur la piste.

Co-visibilité et connexion aux rues adjacentes
La piste que nous abordons ici présente de gros défauts de visibilité avec plusieurs des rues qu’elle croise. Si l’on se met à la place de l’automobiliste qui souhaite s’engager dans la rue Félix Chédin depuis la rue Ampère, il lui faut en effet mordre sur la piste afin d’être certain d’avoir le champ libre.

Voir l’exemple en vidéo :

Image de prévisualisation YouTube

Par conséquent, le cycliste qui roulera sur la piste ne sera jamais certain de pouvoir passer sans heurts et ralentira systématiquement à chaque fois qu’il croisera une rue de peur qu’une voiture ne morde sur sa voie ce qui lui fait perdre du temps et de l’énergie (car prendre de la vitesse à vélo, ça n’est pas aussi simple qu’en voiture).

D’autre part, la connexion aux rues adjacentes est très révélatrice d’une conception « automobiliste » de cette piste cyclable. Explications :

En effet, depuis la piste cyclable de la rue de la sente aux loups, il est très difficile de se rendre dans plusieurs rues (rue des maquisards, rue Charles Richet, rue Adelaïde Hautval et rue Henri Becquerel) qui sont situées de l’autre côté de la rue. La bordure en béton qui sépare la piste cyclable de la voirie n’a en effet pas été découpée à ces endroits ce qui oblige donc le cycliste soit à descendre de son vélo pour enjamber la bordure, soit à sortir de la piste plus loin pour revenir sur ses pas.

En d’autres endroits, ces bordures ont pourtant bien été supprimées. Ces endroits sont des sorties de garages, des croisement « en carrefour » où des voitures sont susceptibles de traverser la piste… autrement dit : si des voitures sont susceptibles de passer, on pensera à faire sauter la bordure. Dans le cas contraire, la bordure ne sera pas découpée et le cycliste se retrouvera le bec dans l’eau.

Impossible de rejoindre la rue Charles Richet depuis la piste cyclable

… même problème rue des Maquisards.

En revanche, pas de problèmes pour rejoindre la rue du Grand Meaulnes car la rue Paul Gauguin est en face : le concepteur a bien pensé aux voitures.

Cohabitation / concurrence avec les piétons
Lorsqu’on aménage une piste cyclable sur ou le long d’un trottoir (Mon Cher Vélo est soit dit en passant contre le fait de réaliser des pistes cyclables sur trottoir), il est impératif que le trottoir soit par – fait. Celui ci doit offrir une largeur d’au moins 1.40m (sur la totalité de l’itinéraire et sans obstacles) pour permettre la circulation des personnes à mobilité réduite, il ne doit pas avoir de dévers (différence de niveau entre le pied droit et le pied gauche) trop important pour ne pas créer d’inconfort, il doit être lisse et propre afin de ne pas causer de chute ou de difficulté. Tout cela en même temps.

Si l’un de ces critères n’est pas respecté, le piéton préférera marcher sur la piste cyclable lisse et confortable située à côté du trottoir étroit et de guingois qu’on lui propose.

Malheureusement sur cet itinéraire, le trottoir n’est pas parfait et force parfois le piéton à marcher sur la piste cyclable. De plus, de nombreux véhicules stationnent illégalement sur les trottoir de cet axe** et poussent également les piétons sur la piste cyclable.

Compte tenu de la différence entre leurs vitesses respectives (environ 10 à 15km/h d’écart), la cohabitation entre piétons et cyclistes est délicate et peut causer des accidents. Même si ces accidents auront une gravité toute relative, il n’en reste pas moins que, du point de vue du cycliste, la présence de piétons sur la piste est une gène qui le ralenti.

Là encore, s’il veut aller vite, le cycliste préférera rouler sur la voie automobile où il est certain de ne pas croiser de piétons plutôt que de risquer un conflit avec des usagers fragiles qui sont, il faut le reconnaître, presque à leur place.

Ce conflit est même provoqué à plusieurs reprises lorsque la piste croise un arrêt de bus. En effet, à ces endroits, la piste est interrompue et le cycliste est invité à passer devant celui ci afin de continuer son chemin.
Les personnes qui attendent le bus doivent alors partager un espace qui leur est dédié avec des cyclistes qui n’ont rien à faire là… imaginez donc le problème si le cycliste arrive au moment ou le bus s’arrête.

Ressaut, accès, entretien et autres défauts
Comme c’est le cas pour un trottoir, il est nécessaire que la piste cyclable soit aussi lisse que possible. Le cycliste comme le piéton est très sensible aux défauts de revêtement de la voie. Qui, en voiture n’a jamais été gêné par une plaque d’égout qui n’était pas parfaitement alignée avec le niveau de la voie, par des défauts de revêtements, des nids de poules… etc ? Dites vous que la gêne occasionnée à vélo est 10 fois plus importante et vous comprendrez ce qui suit.

Ainsi donc, le cycliste cherchera toujours à emprunter l’itinéraire le plus lisse et confortable qu’il puisse trouver.
Or, la piste de la rue Félix Chédin emprunte, à plusieurs reprises, le trottoir à chaque fois qu’elle croise un arrêt de bus. En plus de poser un problème de cohabitation comme vu plus haut, cet aménagement créé un « ressaut » : une différence de niveau entre la piste et l’arrêt de bus. Il est minime, certes, mais un niveau zéro aurait pu supprimer totalement cet inconfort.

Un des nombreux ressauts qui créé un inconfort à chaque arrêt de bus

Si le vélo est chargé et que le cycliste transporte des courses ou du matériel fragile, la cargaison risque de pâtir de ce défaut de conception. Autant de raisons de préférer la voie automobile qui ne croise aucun trottoir sur ce trajet.

En bas de la rue Félix Chédin, au niveau du rond point situé derrière la gare, le spectacle est édifiant : une sortie de piste à angle droit, large d’1m50 (récemment élargie sur demande de Mon Cher Vélo) impossible à prendre sans poser le pied à terre si l’on appartient à la catégorie des cyclistes dits « fragiles » pour lesquels la piste est la plus utile, si l’on traîne une remorque, si l’on utilise un vélo adapté au handicap (tricycle, handbike…) ou si l’on se déplace en bi ou en triporteur.

Sortie / entrée de la piste cyclable de la rue Félix Chédin

Cette sortie (et entrée !) à angle droit est un véritable coupe gorge et oblige le cycliste à s’arrêter s’il ne souhaite pas être renversé par des automobilistes l’ayant oublié car n’ayant pas cohabité avec lui et non préparés à sa ré-introduction dans le trafic. Avec l’élargissement de cette sortie, la ville de Bourges a cru bon d’installer un « cédez le passage » à l’attention des cyclistes se positionnant ainsi en contradiction avec le code de la route (comme c’est également le cas sur la piste de l’Ave Henri Laudier).

A défaut d’une bonne conception qui aurait évité les solutions refusées de rattrapage qu’avait proposé Mon Cher Vélo pour l’amélioration de cette extrémité de piste (cf image ci dessous), la mairie envisagera de récupérer cette erreur lorsque la rue du Général Challe sera requalifiée… ce qui n’est pas prévu pour le moment ! Fin.

Proposition de modification faite par Mon Cher Vélo en Juin 2012 pour fluidifier et sécuriser l’extrémité de la piste cyclable.

Au croisement avec la rue Louis Billant, il vous faut faire un détour de 30mètres pour aller tout droit si vous suivez la piste cyclable.

L’avis de Mon Cher Vélo
Lors de la réalisation de cet aménagement, l’usine Rosinox, dont la friche se situe au dessus du parc Comitec, n’avait pas encore déménagé sur la zone de Beaulieu. Par conséquent, il n’était pas rare de voir des camions emprunter cette rue. De plus, la rue est très fréquentée par les bus de la ligne 1. La cohabitation entre cyclistes et poids lourds étant très accidentogène, une piste cyclable était nécessaire sur cet axe qui dessert, en allant vers le nord, des quartiers résidentiels et donc, potentiellement, des familles et des enfants.

Mais une piste bidirectionnelle est la dernière chose à faire en milieu urbain, d’autant plus lorsque la rue est censée desservir les côtés pair et impair comme c’est le cas ici.
De plus, comme nous l’avons vu, le manque de soin apporté aux finitions (ressauts, bordures mal placées…), à la conception (visibilité depuis les rues adjacentes, extrémité de la piste côté gare SNCF) et la piètre qualité du trottoir qui incite les piétons à marcher sur la piste cyclable rendent la piste peu commode et non adaptée à une pratique fluide et confortable du vélo.

Celle ci conviendra donc aux cyclistes occasionnels ou aux personnes ayant besoin du sentiment de sécurité que leur procurera la piste (attention d’ailleurs à la différence entre « sentiment » et « réalité » !). Mais elle ne sera pas utilisée par les cyclistes voulant se déplacer rapidement et exclura, du fait de sa conception, les cyclistes aux vélos « atypiques » : remorques, vélos adaptés au handicap…

D’autres solutions telles que des pistes cyclables unidirectionelles de chaque côté de la route ou des bandes cyclables munies de séparateurs en caoutchouc auraient pu convenir à cet axe (cf cet article pour plus de détails sur ces aménagements).

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* « plutôt disposées » ne veut pas dire qu’elle est systématiquement respectée. Par exemple, la rue Richet dans les quartiers nord de Bourges a été mise en sens unique  mais n’a disposé d’aucun aménagement cyclable. Une zone 30 ou un double sens cyclable aurait pourtant suffit ( http://www.ville-bourges.fr/site/grands-projets_quartier-richet )
** rendez vous devant le bar « le carrée d’as » pour vous en convaincre. Vous pouvez en voir un échantillon dans l’album « Flagrant délit » de notre page facebook.

2 réflexions au sujet de « On a testé la piste cyclable de la Rue de la sente aux loups / Rue Félix Chédin »

  1. Digne de la CERTU avec un exemple concret en plus. Dommage que nous ne soyons quasiment jamais écouté et suivis par les décideurs (ville, agglo ou CG).

  2. Je suis assez d’accord les pistes ccyalbles sur une route ou beaucoup d’usagers font la loi du plus fort ou du plus rapide, c’est mal foutu.Le proble8me est que le cycliste doit osciller entre des zones semi pe9tionnes et des routes automobiles; et au moment ou le cycliste change de zone il n’est pas vu car on est vaguement confondu dans le paysage pieton. Conse9quence, au niveau des ronds point soit les automobilistes te force le passage, soit doivent freiner au dernier moments.Un autre point regre9table, dans le code de la route, le cycliste est souvent vu comme un emmerdeur puisque la re8gle est de toujours rouler e0 la vitesse maximal.

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