Une nouvelle menace pèse sur le centre ville de Bourges

Le 23 Mai 2013, la Commission Départementale d’Aménagement Commercial (CDAC) du Cher a donné un avis favorable, à 7 voix pour et 1 abstention (un des vices-présidents de Bourges Plus), à la restructuration et à l’extension du centre commercial Carrefour Chaussée de Chappe à Bourges.

Autant le parc commercial De Varye à Saint Doulchard et ses 15,900 m2 avait fait peur aux commerçants du centre ville, à l’hypermarché Géant ou à certains politiques et provoqué un rejet du projet par la Commission Nationale d’Aménagement Commercial (CNAC) le 11 juillet 2013, autant le projet de Carrefour Cœur Marais (nouveau nom du Carrefour Chaussée de Chappe) ne semble inquiéter quasiment personne.

Le projet De Varye à Saint Doulchard rejeté en CNAC

Rares sont ceux qui comprennent le danger que représente ce projet pour le centre ville et les commerces de proximité du pays de Bourges.

Pour beaucoup, ce projet n’est qu’un petit agrandissement de 3000 m2 d’un des deux grands hypermarchés de l’agglomération. Il est perçu comme un espace de proximité ayant une certaine convivialité avec de nouveaux commerces, de l’emploi et permettant la modernisation d’un centre commercial, il faut l’avouer, bien vieillissant.

Contre le projet De Varye, 5 acteurs ont déposé un recours en CNAC tandis qu’un seul vient d’être posé contre l’agrandissement du Carrefour.

Chiffres clés du projet
Pour rappel, Carrefour a été implanté sur un champ à côté des marais en 1969. C’était le 12ème hypermarché du groupe à ouvrir en France. Il fait actuellement 14,000 m2 avec la jardinerie et 700 m2 de galerie marchande. Il n’y a jamais eu de véritable restauration de l’ensemble. Il était jusqu’alors logique que le groupe Carrefour n’ait quasiment rien fait pour améliorer cet hypermarché bénéficiant d’une certaine situation de monopole sur l’agglomération. Pourquoi dépenser de l’argent quand vos clients continuent de venir ?

Carrefour Cœur de Marais – Source : aéroclub de Bourges http://www.aeroclub-bourges.com/

En revanche, depuis plusieurs années, le groupe Carrefour et la société Klépierre (gestionnaire de la galerie marchande) cherchent par tous les moyens à agrandir sa galerie marchande pour répondre à ses concurrents et avoir sa part du gâteau :

  • modernisation maintenant terminée de Géant Saint Doulchard
  • ouverture envisagée d’un petit hypermarché à De Varye à Saint Doulchard
  • implantation d’un Intermarché aux Danjons
  • création de deux drives et projet d’un nouvel hypermarché pour Leclerc
  • enfin ouverture du centre commercial Avaricum en plein cœur de l’agglomération

Par conséquent, le projet Carrefour Cœur Marais, n’ajoutant « que » 3000 m2 à l’actuel Carrefour, ne doit surtout pas être sous-estimé car il est dangereux pour l’agglomération. S’il est accepté, il donnera naissance à un grand hypermarché de 12,300 m2 et une galerie marchande de 4.700 m2 avec presque 50 boutiques.

Pour fixer les esprits, la trentaine de boutiques en plus qui y seront installées est quasiment équivalent au nombre de magasins de la rue Coursalon ou du centre commercial Avaricum.

Le nécessaire équilibre commercial
Il faut savoir qu’en 2008, la zone Carrefour / route de la Charité générait 34% du chiffre d’affaire de l’agglomération. Le chiffre d’affaire du centre ville de Bourges, lui n’était que de 21%. Entre 2004 et 2008 ce chiffre d’affaire augmentait de 20% pour Carrefour et la route de la Charité alors qu’il baissait de 2% pour le centre ville. Ce constat ne laisse rien augurer de bon pour l’avenir. À ce rythme de croissance nous serons à 49% pour Carrefour et la route de la Charité et 20% pour le centre ville en 2016 !

Route de la Charité à Bourges - Source : Berry Républicain http://www.leberry.fr/cher/actualite/departement/cher-local/2011/04/01/la-route-de-la-charite-securisee-195763.html

Comme disait le maire de Bourges lors de la pose de la première pierre d’Avaricum, début 2013, « Si nous ne faisons rien, notre ville mourra ». Il a entièrement raison. Mais alors que font les élus et politiques de notre agglomération pour pérenniser le centre et la proximité commerciale ?

Peu d’entre eux semblent comprendre le péril futur qui se profile. Dans les paroles, tous défendent le centre ville et la proximité, mais dans les actes ils acceptent quasiment toutes les zones commerciales périphériques (cf plus bas). Ce n’est pas qu’un problème local car il est le même sur l’ensemble du territoire français : à Vitré, Angoulême, Autun, Fumel, Poitiers, Perpignan, Bergerac… plus près de nous Châteauroux ou Vierzon font aujourd’hui les frais d’une mauvaise politique d’implantation commerciale. Partout le même constat est fait : les centres villes sont déjà mort ou commencent à mourir.

On assiste à une américanisation de nos espaces urbains, à la naissance d’une « France moche » comme le titrait Télérama début 2010 : des zones commerciales identiques quelque soit le lieu le long des grands axes routiers. Aucune originalité, que de la consommation « hamburger » : « vite consommé, vite oublié ». À proximité de ces zones hideuses, des centres villes sans vie remplis de friches commerciales, de tours de bureaux entourées de vastes parking et d’une population miséreuse. Même la voiture, pourtant reine aux USA semble peu fréquenter ces endroits où seule la poussière s’attarde.

Alors pourquoi s’acharne-t-on à continuer d’ accepter ces zones destructrices et sans vie ? Les élus jouent à SimCity, les constructions c’est l’illusion de l’action.

Politiques, ententes et réactions
Ainsi, le maire actuel de Bourges estime qu’il peut partir tranquille car un de ses (nombreux) grands chantiers ouvrira en grande pompe fin 2014.

Pour s’assurer de sa réussite, il aura négocié avec les élus de l’agglomération pour qu’ils retardent leurs projets commerciaux et votent pour le sien. « Tu me laisses faire mon Avaricum, je te laisse faire ton De Varye ». C’est certes caricatural mais ce marchandage se retrouve dans les votes des CDAC depuis plusieurs années. Toutes tendances politiques confondues votent en effet d’un seul homme. Les mêmes votent ensemble pour Avaricum, De Varye ou Carrefour ou contre le projet Intermarché en 2012.

Pose de la première pierre d’Avaricum le 28/01/13 – Source : Berry Républicain http://www.leberry.fr/cher/actualite/2013/01/29/avaricum-une-premiere-pierre-et-apres-1423172.html

A peine la première pierre de son grand projet du centre ville posée le 28/01/2013, que fait Serge Lepeltier ? Et bien, il accepte (par l’intermédiaire de son adjointe au commerce, Mme Serre) tous les autres projets commerciaux de l’agglomération. Ainsi, les trois principaux projets commerciaux ouvriront quasiment en même temps (2015) et leurs promoteurs commercialiseront leurs surfaces simultanément. C’est méconnaître le commerce et tuer le bébé dans l’œuf.

Concernant les adjoints et héritiers du maire de Bourges, le son de cloche est le même. Danielle Serre, adjointe au maire de Bourges en charge du commerce déclarait dans le Berry Républicain du 5 janvier 2012 que « nous recherchons plutôt une complémentarité entre ce qu’offrent les entrées de Bourges et son centre ville ». Pour elle, les commerces du centre ville ne peuvent pas souffrir de la concurrence des commerces de périphérie (route de la Charité et d’Orléans). Cette question lui a été posée alors que devait se faire 22,000 m2 à De Varye. Dans le même journal en date du 5 juin 2013, elle déclarait : « Ce sont plutôt les grandes surfaces qui sont en train de se faire de la concurrence entre elles ». Sans surprise, Mme Serre a toujours voté en faveur de ces zones commerciales en CDAC.

Pascal Blanc, premier adjoint de la ville et candidat à la mairie, dans son blog du 26/06/2013 affirmait : « Il est aberrant de croire que le développement d’une zone de chalandise nouvelle à l’extérieur de Bourges va mettre en péril les commerces de centre-ville. Au contraire. Dans la mesure où les offres commerciales sont complémentaires, que les marques proposées ne se retrouvent pas intra et extra muros, ces extensions vont permettre d’attirer encore davantage les clients des villes et des départements voisins…l’arrivée de nouveaux commerces dans l’agglomération berruyère se traduit par de nouveaux emplois. ».

Enfin, Alain Tanton, adjoint de la ville et président de Bourges Plus, est discret sur ces agrandissements commerciaux périphériques mais on peut considérer, comme le dit l’adage que « qui ne dit mot consent ».

Il y a encore quelques mois de cela, les socialistes, par la voix d’Irène Félix, ne considérait pas Avaricum comme un bénéfice pour le centre ville. Ils en ont désormais saisi l’intérêt et semblent s’opposer à l’agrandissement des zones commerciales de périphérie. La tribune de l’opposition du journal municipal de juillet/août 2013, écrite conjointement avec les communistes et les verts, est clair sur le danger du développement des zones commerciales extérieures.

Notons que le Parti Socialiste a également distribué des tracts contre les extensions périphériques durant le mois de juin. Ces tracts (électoralistes, ça va sans dire) sont encourageants en ce qui concerne la défense du centre ville.

Toutefois, au regard des votes récents en CDAC, par des personnalités de gauche, proches ou non des socialistes de Bourges, on peut encore émettre des doutes à cette prise de position récente car :

  • le 7 Février 2011, monsieur Jolivet, adjoint au maire de Saint Germain du Puy et monsieur Méchin, représentant le Conseil Général, votaient pour l’agrandissement de la galerie marchande de Géant Saint Doulchard.
  • le 19 Décembre 2011, monsieur Camuzat, maire de Saint Germain du Puy et monsieur Goudy, représentant le CG, accordaient une nouvelle zone route de la Charité de 3,500 m2 (zone Grand Frais et Darty).
  • le 03 Avril 2013, monsieur Jolivet, et monsieur Beuchon représentant le CG, donnaient avis favorable au parc commercial De Varye.
  • le 23 Mai 2013, monsieur Jolivet et monsieur Goudy, accordaient le droit à Carrefour de faire sa galerie marchande de 4.700 m2.

Du côté des communistes berruyers, au vu de la gestion de la route de la Charité (une grande partie est sur Saint Germain du Puy, municipalité communiste), des votes en CDAC et de la détermination à vouloir transformer l’ancien imprimerie Tardy en zone commerciale, on peut vraiment douter de leur volonté de s’opposer aux zones commerciales périphériques.

Enfin, les verts sont, par principe, contre ces zones bénéficiant totalement à l’usage automobile. On ne les entend cependant pas beaucoup pour l’instant sur la question.

Des arguments qui ne convainquent pas
Alors, si le sujet n’inquiète, pourquoi lutter et vouloir faire capoter ce projet ?

Carrefour Cœur Marais amènera peu de nouveaux magasins. Il ne faut pas croire qu’avec cette galerie moderne, nous aurons 25 magasins de plus sur notre agglomération. La plupart des magasins seront des doublons, des triplons ou feront déplacer des commerces du centre ville ou des zones commerciales alentours. A titre d’exemple, l’agrandissement du Géant de Saint Doulchard a permis l’ouverture de 6 boutiques dont une seule enseigne est nouvelle sur l’agglomération. Dans le même genre, la construction de la nouvelle zone du Babou devait offrir de nouveaux magasins, or un certain nombre sont juste des déplacements sur la zone de la route de la Charité laissant des friches commerciales sur les anciens emplacements.

« Des friches comme des verrues urbaines » titrait La Dépêche en septembre 2012 – http://www.ladepeche.fr/article/2012/09/10/1435845-carcassonne-des-friches-comme-des-verrues-urbaines.html

Carrefour Cœur Marais sera à l’origine de nombreux locaux commerciaux vides sur le centre ville et sur Avaricum. En effet, Avaricum n’a certainement pas encore vendu toutes ses petites surfaces et sera en concurrence frontale avec Cœur Marais. Pour des enseignes non présentes sur l’agglomération, elles ont maintenant le choix entre Avaricum devant faire de lourds investissements et Carrefour/Klépierre construisant un hangar de poutre d’acier sur un parking qui ne lui avait presque rien coûté. La concurrence est déloyale et Klépierre cassera peut être les prix au mètre carré de ses baux commerciaux pour remplir son nouveau temple du commerce. Facile lorsqu’on n’a pas de contrainte et que le terrain agricole est bradé ! Il est à craindre que certains commerçants/franchisés du centre ville préféreront avoir un autre magasin à Carrefour ou carrément se transférer dans ce nouvel espace soit disant moderne avec son parking gratuit. La plupart ne voient pas l’intérêt de se déplacer sur Avaricum, car pour eux ce centre est trop proche de leurs magasins et son parking est sous dimensionné (350 places). Notons que ce dernier argument est faux car, par exemple, au centre commercial des Cordeliers en centre ville de Poitiers, il y a 290 places, aux 4 chemins à Vichy 450 places ou à l’Espace Nayel à Lorient 330 places…

Carrefour Cœur Marais n’aura pas une offre complémentaire avec les boutiques du centre. Une marque différente peut concurrencer une autre marque. Ainsi Cultura ou Boulanger à Saint Doulchard concurrencent la FNAC au centre ville. Ils ont quasiment les mêmes produits souvent à des prix peu différents.

Carrefour Cœur Marais ne fait que renforcer la zone de la route de la Charité. Il y a un phénomène qui s’observe dans le commerce, plus vous avez de boutiques à un endroit, plus de boutiques viendront s’installer à cet endroit : « le monde attire le monde ». Imaginez que Leclerc implante un Espace Culturel sur la zone de la route d’Orléans à proximité du Cultura. Et bien la FNAC aura toutes les chances de venir sur cette même zone (de l’aveu même du directeur actuel, des propositions lui ont été déjà faite et l’enseigne ne pourra pas rester éternellement en centre ville si l’évolution de la croissance commerciale périphérique se poursuit). Concernant la route de la Charité, il y a 5 ans, il n’y avait quasiment pas d’espace de restauration. Maintenant les ouvertures s’enchaînent (Pat à Pain, Pizza Del Arte, Shanghai Wok, Flunch, KFC…), du loisir commence à s’implanter dans la zone (le Laser Quest) et demain tout le monde verra nécessité d’avoir un nouveau multiplexe de cinéma et un espace aqualudique dans cette zone soit disant vitale pour s’amuser et se détendre. Ne manqueront plus que les hôtels et on pourra y passer les vacances !

Une extension fulgurante de la route de la charité – Source : Berry Républicain : http://www.leberry.fr/cher/actualite/departement/cher-local/2012/01/28/de-nouvelles-enseignes-s-installeront-route-de-la-charite-d-ici-la-fin-2012-182269.html

Carrefour Cœur Marais n’est pas une locomotive commerciale pour le centre ville. La galerie marchande d’un hypermarché ne sert qu’à animer cet hypermarché. Ce n’est pas comme Avaricum qui aura des locomotives commerciales servant à ramener des chalands en centre ville grâce à ses magasins de notoriété. Si vous allez à Zara, vous pourrez aisément vous rendre rue Mirebeau ou place Gordaine.

Carrefour Cœur Marais n’est pas un magasin de proximité ou un centre de quartier comme peut l’être le Val d’Auron, les magasins du Carrefour de Pignoux ou comme aurait put l’être le centre de la technopôle (éco-quartier) Lahitolle (notons au passage que M. Tanton ne se vantera pas de cet échec commercial lors des différentes inaugurations). Pour être considéré comme du commerce de proximité, il faut qu’une partie significative des clients de celui-ci s’y rendent par de courts déplacements à pied ou à vélo. À Bourges, au delà d’un kilomètre, ce n’est plus de la proximité. Quand on trace un cercle d’1 km de diamètre autour de Carrefour, il est clair qu’il n’y a quasiment aucun habitant. En revanche, Intermarché aux Danjons pourrait être de la proximité comme l’est par exemple Carrefour Market route de Dun.

Carrefour Cœur Marais est un renfort de la mono-fonctionnalité de l’espace urbain de l’agglomération. Dans notre agglomération, les quartiers ont de plus en plus une seule fonction (habitat, travail, commerce). Ainsi, par exemple le Val d’Auron accueille de plus en plus d’habitat, la zone de l’échangeur de l’emploi et la route de la Charité du commerce. À titre de comparaison, Bourges Nord est un quartier ayant une mixité fonctionnelle. Vous y trouvez du commerce, de l’habitat, des services et loisirs ainsi que de l’emploi. En terme de déplacements, les conséquences de la mono fonctionnalité sont désastreuses car ils incitent les déplacements en voiture en allongeant les distances entre les lieux d’intérêt.

Carrefour Cœur Marais est un aspirateur à voiture. Que l’on ne nous fasse pas croire qu’une partie des clients de Carrefour s’y rendront à pied, à vélo ou en bus. Pour cautionner le projet, la CDAC met en avant le fait qu’une nouvelle piste cyclable sera créée pour aller à Carrefour et les élus racontent que la ligne 4 du bus sera augmentée en terme de fréquence pour permettre une meilleure desserte du Carrefour. Vous en voyez beaucoup actuellement des clients à pied, à vélo ou en bus à Carrefour ? On peut estimer que plus de 90% des achats dans les zones commerciales périphériques se font en voiture y compris pour de petits achats. Seul le centre ville et les commerces de proximité peuvent prétendre favoriser les déplacements actifs. Notons que 18% des ménages de l’agglomération n’ont pas de voiture*, comment feront-ils lorsqu’il il n’y aura plus que ces zones commerciales périphériques ? Il ne faut pas adapter le transport à l’urbanisme mais le contraire.

Carrefour Cœur Marais va engorger la Chaussée de Chappe car elle ne pourra pas absorber longtemps le flux d’automobiles qui sera croissant s’il s’agrandit (un KFC et un autre hangar commercial est déjà prévu autour). Les habitants usagers du bus résidant à Saint Germain apprécieront de rallonger le temps de parcours de leurs voyages à cause de ces bouchons. Enfin, les cyclistes souffriront de cette augmentation de trafic en rendant encore plus complexe qu’elle ne l’est déjà la sortie de la piste cyclable de cet axe et en longeant un axe très fréquenté alors qu’ils sont censés être sur une rocade verte.

Carrefour Cœur Marais n’est pas synonyme de nature et d’écologie. Oui c’est un hangar sans forme et peu écologique. Les améliorations (quelques arbres, des gadgets écologiques) n’y feront rien cela restera de la tôle sur du bitume. Ainsi selon la CDAC, Géant devait verdir son parking : « le projet permet de procéder à la requalification d’un parking, créé il y a 35 ans et intégralement recouvert de bitume, par la végétalisation et l’aménagement paysager ». Nous vous invitons à aller voir le résultat, c’est édifiant : une petite vingtaine d’arbres chétifs pour un immense parking !

« Aménagement paysager » vous dites ?
Photo extraite de la série Industrial Lanscape(ing) de J. Bennett Fitts – http://www.kopeikingallery.com/exhibitions/view/industrial-landscape-ing

Avaricum c’est du béton. Soit. Mais c’est du béton sur 1.2 hectares où l’on retrouvera un parking de 370 places, 9500 m2 de commerces et 81 logements. Carrefour : c’est de la tôle sur 9.8 hectares avec juste du commerce, le tout étant naturellement entouré d’une nappe de bitume qui servira de parking.

Quand on parle urbanisme, l’écologie c’est avant tout de la densité afin de préserver les espaces agricoles et naturels. De plus, le projet de Carrefour risque de polluer notre eau potable. Dans la CDAC il est écrit : « la sensibilité du projet vis-à-vis du captage « Saint-Ursin » pour l’alimentation en eau potable de la ville de Bourges jouxtant le site nécessite une vigilance renforcée ». Voilà qui traduit la schizophrénie de nos élus : d’un côté (celui de la communication), ils se gargarisent de mots qui promettent la sauvegarde des terres, la transition écologique (voir par ex le SCoT** berruyer) et de l’autre (celui de l’action) ils font exactement l’inverse de leurs écrits.

Carrefour Cœur Marais ne créera pas énormément d’emploi et il est même possible qu’il en détruise. Les élus sont souvent les premiers à tomber dans le panneau de cet argument massue, l’emploi étant un enjeu politique très sensible, en particulier dans notre département. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient et l’on sait, notamment grâce aux travaux de Christian Jacquiau, expert-comptable et commissaire aux comptes, que la création d’un emploi dans la grande distribution s’accompagne de la destruction d’emplois dans un rapport de l’ordre de trois à cinq emplois détruits pour un emploi créé***.

Même si l’impact médiatique (et politique) de la création simultanée de plusieurs centaines d’emplois grâce à Cœur Marais serait plus fort que la destruction de plusieurs milliers d’emplois disséminés dans le temps et le territoire, nous ne pouvons souscrire à un projet qui anesthésierait un peu plus une économie locale et départementale déjà en difficulté. Ces zones détruisent donc la nature, les capacités agricoles, les emplois, la sociabilité etc. Et les profits ne sont pas réinvestis localement !

Carrefour Cœur Marais participera à la baisse de votre pouvoir d’achat. Avec une baisse du pouvoir d’achat depuis 2008, de plus en plus de mètres carrés disputent de moins en moins d’argent disponible. Le résultat est/sera une bulle immobilière commerciale dont on parle déjà dans la presse spécialisée (Les Échos 15/07/12). Qui va payer le prix de ce gaspillage ? Les collectivités ! Vous ! Ils empruntent pour faire les études, routes, rond-points dans l’espoir de faire rentrer de l’argent au moyen des taxes. Mais quand la bulle éclate les banques sauront à qui s’adresser pour les mensualités ! Ces grosses chaînes ne sont pas là pour faire de la philanthropie mais du commerce et des marges bénéficiaires… au frais des « futurs ex-commerçants » locaux d’abord et des habitants ensuite.

Quelle alternative ?
Sachant que Carrefour Cœur Marais n’est pas la solution, que faire ?

Dans un premier temps, espérons que le recours contre Carrefour aboutira en CNAC comme cela a été le cas pour De Varye et espérons que les élus ont compris la nécessité absolue de ne plus accepter de nouvelles zones périphériques.

Pour le reste, nous ne pouvons qu’espérer…

Espérer que les élus ne feront pas l’erreur du tout piéton en centre ville et du tout automobile à l’extérieur. La grande arnaque de ces 30 dernières années a été de faire croire que chasser les voitures des centres villes (zones piétonnes, tramway) était écologique et social alors que cela n’a fait que déplacer et même accroître le flux en périphérie, au détriment des commerces indépendants, des terres agricoles et zones sauvages. Il ne faut pas les chasser mais il faut les réduire sur toute l’agglomération pas que sur le centre ville (le PDU est riche en enseignements sur ce sujet).

Espérer que les élus mèneront une politique intelligente en terme de déplacements et de stationnements en centre ville :

  • différencier les parkings (payants au cœur de ville, abonnements résidents…) bien les indiquer (panneaux clairs et précis), les rendre pratiques et pas trop voyants
  • éviter que les automobilistes traversent sans raison le centre ville et passent de façon fluide par les boulevards (suppression de feux, ondes vertes, rond point)
  • éviter les déplacements inutiles pour se rendre à un parking par des trajets directs : quand vous venez du sud de l’agglomération vous vous garez au sud pour rejoindre à pied le cœur de ville
  • favoriser les transports en commun pour le cœur de ville
  • mener une politique intelligente du vélo et de son stationnement en gardant à l’esprit qu’on ne gare pas un vélo comme une voiture
  • faciliter les déplacements des piétons en mettant tous les trottoirs aux normes PMR et verbaliser les stationnements sauvages sur trottoir qui dissuadent les marcheurs (une plaie bien berruyère)

Espérer que les commerçants sauront proposer des animations efficaces, seront actifs pour promouvoir le centre ville : remboursement du parking aux clients fidèles, site internet pour connaître les magasins et ce qu’ils vendent, décoration des devantures, implantation de magasins originaux et différents…

La braderie de Bourges est une animation qui attire les foules – Source : Berry Républicain : http://www.leberry.fr/cher/actualite/2012/10/08/grande-braderie-d-automne-a-bourges-1288778.html

Espérer que les clients reverront leurs modes de consommation et privilégieront le centre et la proximité. En Allemagne par exemple, les grands centres commerciaux sont assez rares et les gens privilégient les petits supermarchés type Aldi, Lidl, Rewe,… situés dans les centres villes et dans les quartiers résidentiels. Cela permet d’aller faire ses courses à pied ou en vélo, à des prix généralement raisonnables, et en gagnant un temps précieux (moins de distance dans les rayons, moins de queue à la caisse …).

Espérer que le centre ville et les centres de quartiers seront animés par des places et rues proposant de la rencontre et de la sociabilité (aire de jeux, fontaine pour piétons et non pour automobilistes, terrasses de café respirables et verdoyantes…) car c’est là qu’est le véritable atout des centres villes et des cœurs de quartiers.

Finalement, après ce long pamphlet sur Carrefour et son non sens qui s’applique également à De Varye ou à l’hypermarché Leclerc, il faut que tous, élus, commerçants, clients, citoyens… comprenions enfin nos erreurs et que nous nous dirigions dès maintenant vers la bonne voie : un centre d’agglomération et des centres de quartiers dynamiques et agréables.

Franck Mussio, Vice Président chargé des aménagements de Mon Cher Vélo

EDIT DU 6 DECEMBRE 2013

Un article faisant état de la désertification de la rue Emile Zola dans le centre ville de Bourges sur le site Bourges Bazar à lire en cliquant ici.

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* Source : PDU d’Agglobus http://www.pdu-agglobourges.fr/
**  http://www.sirdab.fr/definition/accueil.htm
*** http://www.onnouscachetout.com/themes/societe/jacquiau-hypers-et-emploi.php

11 réflexions au sujet de « Une nouvelle menace pèse sur le centre ville de Bourges »

  1. Excellent article ! Merci d’avoir répondu à mon post sur le BR du 20/08/2013 et de m’avoir dirigé vers votre site ! Je sais maintenant qui « se cache » derrière les posts signés FranckM sur notre quotidien. Nous avons souvent tendance à nous retrouver sur les mêmes sujets et d’en partager une vision souvent similaire. Je ne suis pas une partisane du vélo ou de la marche à pied mais je suis capable d’écouter les arguments.
    Au plaisir de lire vos prochains articles.

    • Merci de votre soutien. En espérant également vous voir sur la page facebook défendant le commerce de centre ville et la place Gordaine piétonne.

  2. Bonjour monsieur Mussio,
    Vous donnez beaucoup de leçons à un peu tout le monde dans cet article.
    Vos affirmations sont souvent émaillées de nombreuses erreurs ou omissions, je connais parfaitement deux dossiers dont vous parlez et je peux vous affirmer que vos sources sont mauvaises. Il me semble important quand on écrit un article qui ressemble à une leçon de morale de réfléchir à la morale avec laquelle on écrit cet article. Où se trouve le respect pour les architectes dans la phrase « Oui c’est un hangar sans forme et peu écologique », avez vous une quelconque formation architecturale pour juger ainsi un projet ? Pour vous démontrer le ridicule de vos commentaires, je vous invite à aller visiter le LOUVRE LENS, « hangar en tôle » et reconnu comme déjà une oeuvre majeure de l’architecture. Les raccourcis de pensée sont monnaie courante et vous en faites parfaitement l’illustration. Renseignez vous correctement et vous aurez certainement un article à écrire sur Avaricum, que vous défendez bec et ongles, article qui parlera peut être du programme original, des modifications apportées, du respect (ou non) de l’urbanisme, des démarches des commercialisateurs auprès des boutiques existantes pour les quitter et venir s’installer dans Avaricum, du prix des terrains cédés par la ville….Enfin sur votre « domaine de compétence » vous nous affirmez que personne n’ira faire ses courses en vélo, l’objectif n’est il pas que les déplacements urbains en vélo, y compris ceux liés à une activité commerciale, se développent ? L’expérience montre que pour des achats de faibles volumes, un traitement satisfaisant des accès et accueils des cyclistes augmente l’utilisation de ce mode de déplacement.
    Enfin, je pense que vous maîtrisez assez mal la notion de centre d’agglomération. Les études des urbanistes, sociologues, philosophes, architectes montrent régulièrement que l’extension de la notion de centre d’agglomération à la périphérie proche est le meilleur facteur d’intégration urbaine et sociale. Avez vous un jour entendu parler du Grand Paris ?

    • Philippe je vous remercie de participer au débat.
      Tout d’abord, il est vrai que je ne suis ni urbaniste, ni dans le commerce, ni architecte, je suis juste un citoyen qui s’intéresse un peu plus que monsieur tout le monde à ces questions.
      Je critique dans cet article un peu tout le monde car le but de ce dernier est de faire parler d’un sujet dont nos décideurs et promoteurs commerciaux ne veulent pas étaler au grand jour car ils font leurs salades de leur côtés pour au bout du compte toujours plus agrandir les zones commerciales périphériques.
      Zone commerciales périphériques qui sont néfastes sur de nombreux points (je les évoques dans l’article).

      Vous me dites que l’article a de nombreuses omissions ou erreurs, je ne prétend pas détenir la vérité loin de là mais je serais le premier à savoir lesquels afin de pouvoir tendre vers une meilleur vérité. j’en serais ravi car sur ces dossiers il est très difficile d’avoir des informations, des chiffres, cela arrange beaucoup d’en dire le moins.

      N’ayez pas peur de nous en apprendre plus, peut être justifierez vous l’extension de Carrefour ou de Varye.
      Sur mes chiffres, ceux qui me les ont donnés, sont je pense assez fiables, après ces chiffres sont peut être erronés en effet.
      En tout cas il confirme la tendance de ceux qu’il y a dans le PDU datant de 2008, la périphérie devenant toujours de plus en plus grande.

      Sur l’architecture (vous êtes architecte ?), on ne peut pas dire en règle général que les hangars commerciaux sont des œuvres architecturales (particulièrement à Bourges).
      Ce sont la plupart du temps des bâtiments au rabais qui font croire qu’ils sont architecturés.
      Après il y a toujours des exceptions et des zones commerciales qui ont une architecture recherché (Val d’Europe, Trafford Centre à Manchester…).
      De toute manière, l’architecture est très subjective, c’est affaire de goût. Personnellement je trouve moche Euralille, mais je reconnais qu’il y a une signature architecturale, ce qui n’est pas le cas du futur Darty de Saint Germain ou du Décatlhon de Saint Doulchard qui sont le dégré zéro de l’architecture.
      Mais la plupart de nos zones commerciales sont souvent bien moches, il faut le reconnaître.

      Sur Avaricum, j’en suis un partisan, il est vrai mais je sais bien que ce n’est pas la chose qui va sauver le centre ville.
      Question architectural, ce ne sera peut être pas une grande réussite. De même il a certainement des erreurs de conception (voir le blog de Bourges Bazar en expliquant certaine).
      Sur les locaux vides qu’il aura à son ouverture ou ceux qui créera dans le centre ville, ce sera une réalité.
      Peu de commerçants veulent apparemment aller sur Avaricum (même si celui ci semble en effet les démarcher), par contre ils seront plus tentés par Carrefour, qui lui aussi semble t il les démarche. Mais là aussi, j’aimerai en savoir plus pour être plus proche de la réalité.

      Sur le vélo, les membre de la CDAC ont été pitoyables en faisant croire que les clients pourront utiliser le vélo pour faire leur courses à Carrefour. Ils essayent de nous acheter en nous promettant des pistes cyclables coûteuses qui ne seront jamais utilisées. Dans tous les centres commerciaux de ce type en France, la grande majorité des clients y vont en voiture. Le vélo est utilisé sur des déplacements courts et avec des zones denses et mêlant les diverses fonctions. Il faut toujours adapter l’urbanisme au transport et non le contraire.
      Dans l’association nous voulons plus de cyclistes quotidiens et non plus de km de pistes cyclables, seul un urbanisme bien pensé peu permettre cela. Si Carrefour s’agrandit, nous aurons plus de voitures sur l’agglomération.

      Carrefour n’est pas de la périphérie proche, c’est un hangar au rabais qui a détruit de nombreuses terres (et qui indirectement en détruira d’autre en développant parallèlement les périphéries résidentiels, de travail et commerciales), qui est favorable surtout à l’automobile et qui ne permet pas l’émergence d’un centre de vie.
      Val d’Europe que je connais assez bien en région parisienne est un centre de vie qui donne envie de venir et qui n’est pas tourné vers le tout voiture.

      Philippe, j’espère en tout cas que vous ne soutenez pas l’extension de Carrefour.

      Cordialement et en attente de plus de précisions sur le commerce sur Bourges

  3. Bonjour.
    Il est regrettable qu’une ville comme Bourges ne dispose pas d’un grand centre commercial fermé tellement plus agréable pour le shopping comme beaucoup d’autres villes au lieu de tous ces magasins disparates
    entre Bourges et Saint germain du puy.

  4. non en périphérie à l’abri de la chaleur du vent de la pluie ou l’on puisse tous accéder sans difficulté de marches pour les personnes âgées ou handicapées (comme moi en fauteuil) car les pavés c’est pas top!

  5. Désolé mais je n’avais pas vu votre commentaire. En Allemagne ou en Angleterre, ils arrivent très bien à conjuguer accessibilité et centre ville…en France on préfère décroitre dans tout les sens du terme en faisant des zones commerciales périphériques.

  6. Au dela d etre en contradiction avec les principes edictes par ces documents, ces projets feront peser une menace considerable sur les commerces et services de centre ville et de proximite, les seuls a meme de promouvoir une mobilite active et un lien des courtes distances.

  7. Quand le département par ma voix, s’oppose « seul contre tous »au projet d’extension de la zone commerciale jouxtant Décathlon, cela mérite d’être écrit également…c’était fin 2014 début 2015 de mémoire…

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