Le stationnement vélo – Conseils à destination des collectivités

La quantité et la qualité de stationnements vélos proposés dans une ville sont deux critères qui influent fortement sur la pratique du vélo. En résumé : « si je suis sûr(e) de retrouver mon vélo en sortant du travail/du magasin/du sport (liste non exhaustive…) , alors je vais laisser ma voiture au garage et y aller à vélo ». Le problème est que peu d’aménageurs ont compris cela… et ceux qui l’ont compris ont rarement tout saisi. Explications.

Stationnement courte durée
Pour faire ses courses, aller chez le médecin, à la bibliothèque ou au marché…
L’un des nombreux avantages du vélo est de pouvoir se rendre au plus près du lieu de destination sans avoir à tourner des heures pour trouver une place de stationnement. A vélo, on arrive devant la vitrine de son commerce favori, on accroche son vélo au poteau le plus proche et on entre dans le magasin.

Cette attitude qui consiste à accrocher son vélo au premier point fixe venu peut générer des problèmes : encombrement des trottoirs, utilisation « sauvage » du mobilier urbain et possible dégradation… De plus, le stationnement « autour du poteau d’éclairage public » incite les cyclistes a acheter des antivol de type câble. Le problème étant que ces antivols sont de piètre qualité mais que les meilleurs antivols, eux, ne permettent pas de faire le tour des candélabres.

Pour toutes ces raisons, les collectivités tentent, avec plus ou moins de succès et de perspicacité, d’organiser le stationnement des vélos en proposant des équipements dédiés.

Pour avoir un maximum de chances d’être utilisé, un stationnement vélo courte durée doit répondre à deux critères :

  • permettre d’attacher le cadre du vélo à un point fixe
  • être situé à moins de 10 mètres du lieu qu’il souhaite desservir

Malheureusement, beaucoup d’aménageurs font des choix contraires à ces deux principes. En effet nombreux sont ceux qui font l’erreur de proposer des stationnements type râteliers et de les placer au même endroit que les stationnement automobile, souvent trop loin des lieux d’intérêts.

Râteliers dans la vélostation de la place Séraucourt à Bourges

Cette façon de faire est très révélatrice de la place (trop?) importante de la culture automobile chez les aménageurs. Depuis les années 60, les villes ont étés bâties pour convenir avant tout à l’automobile et permettre son usage en limitant les contraintes. Aujourd’hui encore, on continue bien souvent de concevoir des aménagements vélos comme on conçoit des aménagements autos alors qu’ils ne répondent pas aux mêmes attentes et besoins.

Elle est aussi révélatrice d’une méconnaissance profonde de la pratique du vélo car n’importe quel cycliste un tant soit peu régulier évitera de laisser son vélo dans un râtelier s’il tient à ses roues.

Pour ce qui est de la distance les 10 mètres annoncés plus haut peuvent paraître abusifs. Mais en milieu urbain, les poteaux de signalisation, d’éclairages publics et autres barrières ne sont pas rares. Arrivé devant le magasin, si le cycliste a le choix entre un poteau à 10 mètres de la vitrine et un arceau à 20 mètres, le choix sera vite fait.

A Bourges de ce point de vue, les choses sont en bonne voie car la ville dispose d’environ 300 arceaux dispersés sur toute la ville. Mon Cher Vélo a par ailleurs participé à la mise en place des quelques 100 derniers arceaux installés. Vous trouverez le détail des arceaux disponibles sur le site de la ville de Bourges.

Stationnement vélo / parking vélo à Bourges

Arceaux vélo à la gare SNCF de Bourges

Stationnement longue durée
Pour les résidents en appartement, les actifs qui n’ont pas de local vélo…
Offrir à chacun la possibilité de stationner son vélo de façon sécurisée la nuit est primordial si l’on veut augmenter la pratique du vélo. Une personne qui ne pourra pas stationner son vélo près de chez elle en étant certaine de le retrouver au même endroit le lendemain ne prendra pas le risque de faire dormir son vélo dehors accroché à un réverbère.

Or nombre d’immeubles de centre ville ne disposent pas d’un local spécifique à moins que la copropriété ou l’employeur n’autorise l’accès au local à poubelle ou à une cave… de quoi démotiver les plus volontaires !

Pour répondre à ces besoins, nombre de collectivités développent des services de vélostations afin de permettre aux employés de commerces, de bureaux, de services… de venir au travail à vélo (les usines ont bien souvent la place de proposer un tel service et mettre une vélostation sur le domaine public, à l’entrée d’un site industriel, n’aurait pas de sens compte tenu de la distance restant à parcourir) ou aux résidents de centres urbains denses et anciens de palier au manque de local dans leur immeuble.

Pour avoir un maximum de chances d’être utilisé, un stationnement vélo longue durée doit répondre à 4 critères :

  • permettre d’attacher le cadre du vélo à un point fixe
  • être sécurisé et disposer d’un système de fermeture dédié (clé, pass, reconnaissance rétinienne, vocale ou tout autre système venu du futur…)
  • être situé à moins de 50 mètres du lieu qu’il souhaite desservir
  • être couvert de manière à protéger le vélo des intempéries

Un aménagement qui ne répondra pas au mieux à chacun de ces 4 points ne se donnera pas toutes les chances d’être pleinement utilisé. Tout comme on gare sa voiture loin du lieu de rendez vous lorsqu’il n’y a pas d’autre choix, certaines personnes les utiliseront par dépit mais ils ne pèseront en aucun cas comme des arguments clés dans le choix du mode de transport choisi par l’utilisateur.
Rares sont les stationnements qui répondent correctement à ces 4 points, exemples vus à Bourges :

Stationnement vélo sur le parc d’activités Comitec

Stationnement vélo sur la technopôle Lahitolle

Ici les stationnements sont couverts et disposent d’arceaux. 2 bons points.
En revanche, ils ne disposent pas d’un système de fermeture sécurisé et sont situés bien trop loin des lieux qu’ils sont censés desservir (une trentaine de mètres pour Comitec, environ 150 mètres pour l’exemple de Lahitolle). Ce deuxième point est révélateur d’un point abordé plus tôt : l’aménageur conçoit le stationnement vélo comme il conçoit le stationnement automobile alors que ce sont deux choses différentes. On voit même que certaines places autos sont plus proches de l’entrée des bureaux que l’espace réservé aux vélos !

Les stationnements vélos vu précédemment étant trop éloignés de la destination des cyclistes, on trouve des vélos stationnés sur des râteliers à l’entrée de plusieurs bureaux d’entreprises du parc Comitec. Le cycliste préfère avoir son vélo sous les yeux quitte à faire le choix d’un stationnement de moindre qualité : la distance prévaut.

A la chancellerie, les arceaux vélos sont situés plus loin du centre commercial que le stationnement automobile.

Les freins psychologiques à l’usage du vélo sont déjà suffisamment importants dans la tête du grand public pour ne pas en plus avoir besoin d’ajouter d’autres raisons de venir en voiture. Favoriser le stationnement vélo en le positionnant de façon privilégiée par rapport au stationnement voiture est un signal fort de la part de la collectivité : « voyez vous, nous vous faisons une place de choix amis cyclistes ». Au lieu de cela, il est permis de penser que le stationnement vélo est implanté « parce qu’il le faut » ou « parce que ça fera bien sur les photos » sans se poser les bonnes questions.

Vélostation place Séraucourt à Bourges

Vélostations de Bourges
Les vélostations récemment installées place Séraucourt et à la Gare SNCF (respectivement payés 23621€TTC chacune par la ville de Bourges et Bourges Plus) souffrent elles aussi de manques évidents de réflexion et de cohérence quant à leur but et à leur usage final, au moins sur deux points.

En effet la première, implantée place Séraucourt, avait pour but premier de permettre aux personnes qui travaillent ou vont flâner en centre ville de stationner leurs vélos en toute sécurité (Berry Républicain du 12 juin 2012).
Devant les critiques mettant en évidence qu’il aurait mieux valu, pour remplir cet objectif, installer la vélostation place Cujas plutôt qu’à Séraucourt, la mairie a choisi de la réattribuer aux résidents du centre ville qui pourront « stationner leur vélo s’ils ne disposent pas de place pour le ranger dans leur logement »*.

Ceci étant, les logements les plus proches de la vélostation sont situés à 60 mètres de celle-ci ce qui est supérieur aux préconisations de l’ADAV**. De plus, les logements en question sont des maisons individuelles n’ayant donc pas particulièrement besoin de ce type de service.

Notons également qu’au titre des ennuis, cette vélostation n’est pas accessible toute l’année : en effet, durant printemps de Bourges et la fête foraine qui ont lieu chaque année place Séraucourt, la porte de la vélostation est tout simplement condamnée par les tentes qui sont installées devant (cf cette photo postée sur notre page facebook).

Vélostation de la gare SNCF de Bourges.
Source : Bourges Plus

Pour ce qui est de la deuxième vélostation installée à la Gare SNCF, il apparait assez logiquement que l’emplacement optimal aurait été de l’installer à l’entrée sud de la gare. C’est en effet par ici que transitent la majorité des voyageurs qui quittent ou arrivent à Bourges matin et soir.
Mais le stationnement vélo est encore une fois envisagé comme du stationnement automobile et c’est côté nord, là où se situe le parking automobile, que la vélostation a été installée. La preuve que tout cela est réfléchi en ne considérant que le point de vue automobile est qu’il vous faut, si vous respectez le code de la route -et nous ne doutons pas que vous le respectez- faire tout le tour du parking pour accéder à la vélostation car un sens interdit vous en interdit l’accès le plus direct. On frôle l’absurde.

L’accès le plus direct à la vélostation de la gare SNCF de Bourges est en sens interdit sans double sens cyclable.

Contexte réglementaire
Rassurons nous cependant car les choses avancent : un arrêté du 20 février 2012 impose de prévoir la création d’un espace réservé au stationnement sécurisé des vélos pour les bâtiments collectifs neufs à usage d’habitation et les bâtiments neufs à usage de bureaux dont les permis de construire sont déposés à partir du 1er juillet 2012 . Et même s’il reste vague quant à la conception des locaux vélos et de leurs spécificités***, il constitue une base solide de discussion lors de la construction de bâtiments.

Plus récemment, le 11 avril 2013, l’assemblée nationale a voté un amendement proposé par le Club des villes et territoires cyclables prévoyant la création de stationnements vélos sécurisés dans les gares nouvelles ou réaménagées. En attendant que le texte de loi soit voté puis mis en application et que votre gare soit rénovée (!), nous vous conseillons la lecture de cet autre article afin de ne pas vous faire voler votre vélo.

Liens
Le dossier de la FUB « Stationner chez soi »
Une page complète sur le stationnement des vélos sur le site de l’association VéloBuc
Une fiche du CERTU sur la stationnement des vélos dans les espaces privés
Un dossier complet sur le stationnement vélo réalisé par l’Association Droit Au Vélo (ADAV) de Lille

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* ceci dit, la vélostation n’a pas changé d’emplacement et les conditions d’accès sont les mêmes pour une personne vivant ou travaillant uniquement en centre ville.
** ADAV : Association Droit Au Vélo – Lille dont l’un des documents sur le stationnement vélo a fortement inspiré et orienté l’écriture de l’article.
*** l’accès au local peut en effet être précédé de 10 marches et de deux portes coupe feu ce qui, vous en conviendrez, n’est pas pratique…

2 réflexions au sujet de « Le stationnement vélo – Conseils à destination des collectivités »

  1. Analyse pertinente du problème. En ce qui me concerne, j’ai fait un courrier il y a plusieurs mois pour proposer d’installer une vélo station fermée place de la Nation, dans l’idée que cela permettrait un usage multimodal du vélo/bus. En outre, cela pourrait être utilisé par les personnes habitant à proximité et ne disposant pas d’abri vélo.

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